La Fontaine Keribin, Larmes de Pierre au bord de l'Odet

Fontaine gothique en pierre avec croix, nichée dans la végétation au bord de l'eau

Sur la rive gauche de l’Odet, à l’ombre des feuillages, la fontaine Keribin se fond dans le paysage. Son granit, usé par l’humidité, se délite lentement face au fleuve. Ce n’est pas qu’un vestige. C’est une mémoire gravée dans la pierre.

En 1896, René, vingt ans, s’est noyé ici. Son père, incapable d’oublier, a bâti cette fontaine comme un tombeau ouvert. L’eau continue de sourdre, inlassable. Sur la pierre, une prière : "Sainte-Anne protégez-nous".

L’architecture surprend. Un gothique austère, une croix, des enroulements qui adoucissent un peu la rigueur du monument. Dans la niche vide, où se dressait autrefois une statue, quelques offrandes montrent que la dévotion persiste, discrète.

Keribin, pourtant, fut plus qu’un lieu de recueillement. On l’appelait la "fontaine des Gueux". Tandis que les riches estivants gagnaient les plages de Bénodet, les familles modestes de Quimper venaient ici. Les enfants riaient dans les herbes hautes, indifférents à la mélancolie du lieu. L’eau coulait, toujours.

Aujourd’hui, les ronces veillent sur la fontaine. Face à elle, les carcasses de bateaux échoués rongent l’eau. Keribin tient bon, solitaire, obstinée. Un chagrin qui refuse de s’effacer.