Le Monstre Marin de Kerfeunteun

Sculpture sous-marine jaune aux dents acérées, œuvre de Marc Morvan, installée à Kerfeunteun, Quimper

Dans la périphérie de Quimper, là où la ville moderne déroule son ruban de zones commerciales, une créature venue des abysses a fait surface. Entre un restaurant rapide et un supermarché, elle a choisi d'échouer sur un carré d'herbe, son corps de métal jaune rutilant sous la lumière déclinante d'une fin de journée d'automne.

L'apparition est saisissante. Un sous-marin mutant, mi-machine mi-bête, dresse sa gueule hérissée de crocs métalliques vers le ciel. Sa silhouette massive, tout en angles et en courbes, tranche avec la banalité environnante. Les derniers rayons du soleil caressent sa carrosserie et ravivent l'éclat de sa peinture jaune patinée par les intempéries, tandis que les ombres s'accumulent dans ses angles et accentuent son air menaçant.

Le monstre est fait d'acier recyclé, assemblé par les mains expertes de Marc Morvan, sculpteur-alchimiste qui transforme les rebuts de notre civilisation en créatures fantastiques. Sa peau est un patchwork de tôles soudées, son œil est un hublot aveugle, ses dents sont peut-être des pièces de machines agricoles. Chaque élément raconte une histoire antérieure, porte les cicatrices d'une vie passée.

Que fait-il là, ce Nautilus déjanté, cette vedette sous-marine mutante ? Est-il une sentinelle postée aux portes de la ville, un gardien ironique de notre modernité ? Ou peut-être un naufragé volontaire, échoué là pour nous rappeler que sous le bitume coulent encore les rivières, que sous nos pieds dort toujours l'océan primitif ?

Dans cette œuvre, Marc Morvan nous parle de transformation et de survivance. Les matériaux qu'il récupère et assemble sont comme les mythes bretons : ils ne meurent jamais vraiment, ils se métamorphosent. Ce monstre marin est un passeur entre les mondes : celui de l'industrie et celui de l'imaginaire, celui de la terre et celui de l'eau, celui du présent et celui des légendes.

Dans le crépuscule qui s'approfondit, la bête semble prête à s'animer. Ses dents brillent d'un dernier éclat. Peut-être attend-elle la nuit pour glisser silencieusement vers l'Odet tout proche, rejoindre ses cousins des profondeurs, ces créatures fantastiques qui peuplent depuis toujours les récits des marins bretons.