DANS LE SOUFFLE

le chemin de halage le long de l'Odet à Quimper, Finistère

Dimanche 16 novembre 2025 - Marche libre, Lanniron/Chemin de halage.
8,75 km, 1h25. Le jeu du souffle.

Ce dimanche matin, je suis parti vers 10h30.
Direction Lanniron, mais pas jusqu'à la côte cette fois.
Arrêt avant la montée, demi-tour, puis le chemin de halage qui longe l'Odet.
8,75 kilomètres. Un parcours que je connais. Plat, tranquille.
Ce qui devait être une marche de consolidation est devenu une découverte.

LE JEU

Depuis hier, j'ai trouvé quelque chose.
Une capacité que je ne soupçonnais pas.
Celle de faire baisser mon rythme cardiaque à volonté.
En marchant.
De 105 à 88 battements par minute.
En quelques secondes, à l'envi.

Ce matin, j'ai voulu comprendre.
J'ai passé toute la marche à jouer avec ça.
À tester. À observer. À affiner.
Et j'ai découvert le paradoxe.

QUAND JE PENSE, ÇA MONTE

Dès que mon esprit s'active, "Tiens, ça marche, mon cardio descend !" - il remonte.
Immédiatement. 93, 94, 95 battements.
Comme si la pensée elle-même était un effort.
Comme si le mental, en s'emparant du phénomène, le tuait.
Le contrôle conscient ne contrôle rien.
Il perturbe.

QUAND J'HABITE, ÇA DESCEND

Mais dès que j'abandonne la pensée.
Dès que je laisse filer les mots, les projections, l'analyse.
Dès que je glisse dans l'expire.
Alors quelque chose descend.

Une détente qui glisse du haut vers le bas du corps.
Diaphragme relâché. Épaules qui tombent. Bras, mains, qui se libèrent.
Tout s'ouvre, tout coule, porté par l'expire.
Et là, le cardio descend.
88, 87, 86 battements.

Ce n'est pas une technique.
C'est un état.
Une fréquence à trouver.
Comme si le corps avait une note juste, et qu'il suffisait de s'accorder dessus.
Une vibration intérieure. Une résonance.

Quand je la trouve, je peux commander.
Je sais exactement où j'en suis. 85, 86, 88 - je le sens au battement près.
Je regarde ma montre. C'est confirmé.

La détente descend.
Le souffle guide.
Le cœur suit.
À volonté.

LE TERRITOIRE INTÉRIEUR

Pendant 1h25, j'ai fait du yo-yo.
Monter, descendre, observer.
Penser; monter.
Lâcher; descendre.
Encore et encore.

C'était drôle. Ludique. Espiègle.
Comme un gamin qui découvre qu'il peut bouger ses oreilles.
Mais plus profondément, c'était autre chose.
J'ai compris que le corps n'est pas un ennemi qu'on contrôle.
C'est un instrument dont on apprend à jouer.

CE QUI DEMEURE

La Bretagne m'a appris à marcher face au vent.
À ne pas tricher avec les éléments.
À avancer malgré la résistance.

Aujourd'hui, le corps m'a appris autre chose.
Que lâcher prise, ce n'est pas renoncer.
Que la maîtrise vient du dialogue, pas du contrôle.
Que parfois, pour avancer, il faut arrêter de penser qu'on avance.

Je suis rentré avec cette certitude :
Il y a un territoire intérieur aussi vaste que le Finistère.
Et je commence à peine à l'explorer.

Chaque pas, une victoire.
Chaque marche, une histoire.